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19/05/2018

Situation des femmes en Inde

De la dernière chronique de Gaston, nous extrayons ce passage qui décrit les diverses influences qui s'exercent sur la justice et les représentants de l'ordre plus particulièrement lorsque sont inculpés des coupables de crimes contre des femmes.

Nous avons été invités coup sur coup à deux importantes assemblées organisées par les communes. Et pour une fois, non politiques ou religieuses. La première eut lieu à 8 km d’ici, dans une petite bourgade sans intérêt, devant le portique d’un grand temple toujours sans intérêt. Quelques centaines d’invités étaient sur la place, ainsi qu’une intense circulation motorisée avec un grand nombre de tracteurs. Je n’y étais jamais allé. Et mon ami hindou Binay m’a accompagné.

A première vue, l’assemblée était presque entièrement musulmane. Le thème de la soirée était écrit en grand sur un panneau : « Comment promouvoir la paix ? » Evidemment, avec un tel thème, j’étais à l’aise, même si je ne comprenais rien à rien, étant dans ma phase de surdité complète même avec appareils auditifs. Quand on m’a fait signe de prendre la parole, j’ai commencé comme souvent :

« Très chers frères et sœurs… »

Mais je me suis arrêté, ai regardé lentement partout, et ai rajouté : « bien qu’il me semble qu’il n’y ait aucune sœur présente…J’en parlerai plus tard…Nomoshkar »

Il paraît que cela a jeté un froid sur l’assemblée ! Après les présentations de rigueur, j’ai fait remarquer avec tristesse que pour la première fois depuis 46 ans, j’ai honte d’être indien, spécialement à cause de l’extraordinaire augmentation des crimes contre les femmes, et tout particulièrement, les innommables viols contre des mineurs, voire des moins de 12 ans, et ce qui n’était guère pensable avant, de bébés de 4 à 8 mois ! Comment pouvons-nous penser paix quand ces abominations se multiplient ?

Ecoutez, je vais vous dire une chose : il ne suffit pas que ces crimes arrivent, mais chacun sait, et particulièrement certains de ceux qui sont présents ici aujourd’hui, que lorsqu’un crime arrive, viol, je viens de le dire, assassinat divers, accidents mortels de la route où en général les chauffards (chauffeurs de camions pour la plupart) disparaissent immédiatement, il y a ruée dans les commissariats de police :

« Celui-ci ne peut être coupable, je suis ministre, il est de mon parti ! Je suis un imam musulman, celui-là doit être relâché ! Je suis l’évêque de ce diocèse, il n’est pas acceptable que ce prêtre soit arrêté (ceci pour le sud de l’Inde, où les chrétiens sont parfois plus de 30 % de la population). Si vous ne relâchez pas ces six suspects du viol de groupe de cette gamine, mon parti, le RSS hindou, mettra le feu au commissariat ! Ce crime a été commis par un militaire, et l’armée exige qu’il soit libéré sur le champ. Ces coupables présumés sont de ma caste, je suis leur leader, si vous ne les relâchez pas, nous violeront toutes les femmes de ce hameau… » Etc.…

Il n’y a plus de victimes, et elles n’importent plus. Il n’y a plus que des groupes religieux, castes, partis politiques et …chacun à la base même ne voit aucun vrai coupable, quitte à les désigner sur place de force : des pauvres, nomades, hors-castes, Adibassi, musulmans ou chrétiens selon les lieux. « Tous les gens querelleurs, jusqu’au simple mâtin, au dire de chacun était de petits saints » (j’ai essayé de mettre La Fontaine au niveau des gens !)

Comment alors s’étonner s’il n’y a pas de paix, puisque les gens prennent parti, souvent contre la justice, et c’est la bagarre ! Qui paye le prix de cette non-paix ? Les femmes et les enfants, car souvent les maisons ou huttes sont brûlés, les hommes arrêtés ou pourchassés, les familles accusées faussement. Le coût de ces échauffourées locales, ce sont les femmes et les enfants qui les supportent. Et la bagarre, ce sont les hommes, vous et moi, qui les commençons. Et aujourd’hui, je ne vois devant moi que des hommes. Où sont les femmes qui devraient témoigner de l’injustice de ces situations créées par les hommes ? Combien je regrette l’absence de notre secrétaire Gopa qui devait venir. Mais elle est malade depuis hier. Sinon, elle témoignerait mieux que moi, qu’une gosse violée, puis tuée à moins de 12 ans n’est pas un acte politique ou religieux, mais un acte monstrueux et inexcusable commis par un ou des hommes (parfois des adolescents) qui ne rêvent que d’imiter les actes écœurants proposés en détails dans les portables que maintenant les familles offrent en guise d’anniversaire à des jeunes qui deviennent des bouchers. Et que la société semble approuver puisque même lorsque les millions protestent dans la rue, des centaines de millions se taisent, ainsi que notre Premier Ministre dont les ministres eux-mêmes sont souvent les premiers coupables !

Pensons que ces femmes, fillettes et bébés sont les nôtre, les mien ! Je suis célibataire chrétien, mais tous ces gosses, y compris les vôtres sont les miens, et si on doit parler de paix aujourd’hui, parlons surtout de justice, et empêchons qu’en notre village ou District, un crime commis ne devienne pas un jeu pour leaders religieux, de castes ou de partis. Il y a encore 10 ans, on voyait beaucoup de gens venir dans les villages interviewer les gens, par familles : « De quoi avez-vous besoin ? » Depuis 5-6 ans, bon nombre de gens y viennent toujours, mais c’est pour demander : "Quel est ton parti ? …Change-le ou il arrivera malheur à ta femme ou ta fille ! »

Comment pouvons-nous accepter ce langage. Je remercie le Grand Dieu de tous les hommes qu’il nous permette dans le Sud d’Howrah d’avoir une paix relative, mais nous savons tous que tout autour de nous, spécialement dans les riches bungalows gouvernementaux au bord de la Damodar ou du Gange, un peu plus loin qu’ICOD, nos filles sont kidnappées ou payées pour plaire à nos leaders politiques ou nos touristes. Cela arrivera un jour dans votre propre famille. Je prie le Seigneur et prophète Jésus qu’il empêche cela, mais c’est à nous tous de décider aujourd’hui que faire. Je suis certain que les choses changeront, mais en attendant, je vous demande de réfléchir avec l’organisation qui m’a invitée aujourd’hui et que je remercie, ce que vous pouvez faire à votre niveau. A ICOD, nous sommes plus de 200 avec religions, castes, sexes, ethnies, âges, conditions physiques ou mentales différentes, voire quelques personnes folles, et bien je puis vous dire qu’en 15 ans, jamais je n’ai entendu quelqu’un même en se fâchant montrer du doigt un défavorisé en disant : « C’est lui le coupable » quand il ne l’est pas. Nous sommes une famille. Votre village est votre famille. La paix doit être la règle, ainsi que la justice. Un des vôtres a commis un crime. C’est lui le criminel, et pas son voisin d’un autre village. Mes amis et jeunes frères, la paix est à ce prix, et je la souhaite de tout cœur pour vous »

 

Ce n’est pas exactement ce que l’auditoire attendait de moi, et j’ai rarement été témoin d’un tel silence…car évidemment, j’ai donné des faits ou des historiettes pour illustrer le tout. Et comme d’habitude, j’ai plaisanté. Mais personne ne riait aujourd’hui. Comme je ne prépare jamais un speech, je ne peux pas prétendre que mes paroles sont exactes. Mais l’esprit – et ma foi la lettre – y sont plus que certainement. Au milieu du discours, un tracteur est arrivé pétaradant et a passé juste sous le podium. Il y avait au moins 20 femmes voilées 100 % et toutes de noir sur sa remorque, et j’ai vite compris les gestes de réprobation de mes interlocuteurs, furieux de ce rappel intempestif de l‘absence des femmes ! Et les responsables m’ont fait savoir le lendemain avec gentillesse, qu’ils viendront me voir…