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25/11/2014

Le Prix Nobel de la Paix

 Bien sûr Gaston a réagi à l'attribution du prix Nobel de la Paix. Voici un extrait de sa dernière chronique consacré à ce sujet.

 

Le 12 octobre, explosion médiatique dans le monde: le prix Nobel de la Paix est attribué conjointement à la pakistanaise MALALA YOUSAFZAI et à l’indien KAILASH SATYARTHI.

 

L’explosion est surtout dans mon cœur, car Malala est maintenant un des modèles des filles d’ICOD, une référence de vie pour elles, certainement plus utile que les stars de cinéma qu’elles adorent. J’ai acheté son livre dès sa parution, ainsi que la traduction en hindi que j’ai offert aux deux seules filles qui le comprennent juste avant les fêtes, nos deux aborigènes Santali et Oraon qui ne jurent maintenant que par elle. D’autant plus que l’une est née six jours après la naissance de Malala ! Belle coïncidence pour la conscientiser.

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Cette nomination si juste et si vraie m’a comblé. J’en avais parlé dans au moins trois chroniques en 2012, 13, 14. J’avais déjà écris le texte sur elle dans la suite de cette chronique dès le début du mois mais ne le modifie pas. Vous avez sans doute tous et toutes lu les journaux à leurs propos et je ne peux pas tout répéter. Mais cette gamine de 11 ans qui se lance dans une dangereuse chronique en ourdou de la vie sous les talibans publiée par la BBC, cette fillette de 14 ans qui fait fi des oukases religieux et fait en sorte que toutes ses amies aillent déguisées en ouvrières à l’école, cette jeune fille de 16 ans qui sait qu’elle va mourir (« Si je me tais, on me tuera, et si je parle on me tuera encore plus vite ») mais continue la lutte non seulement par ses décisions quotidiennes mais encore par ses interventions étonnamment courageuses en ourdou et anglais à la radio, TV, et dans des réunions où elle refuse de se soumettre aux diktats des talibans et porter le voile. Et elle en a payé le prix. Et cher. Sauvée quasi miraculeusement par des dizaines de teams médicaux successifs dans cinq villes différentes et finalement en Angleterre, elle continue encore, à moitié paralysée, à vouloir retourner au Pakistan pour continuer le combat : « Chaque fille de la terre a droit à l’éducation, en priorité celles de ma chère vallée ‘Swat’, (la suisse pakistanaise), de ma société tribale pashtoun et de tout mon pays. » Mais elle ne peut y retourner puisque les menaces de mort continuent. Depuis son lit, puis dans son école proche de Birmingham, elle reprend ses études. Elle avait toujours été première de classe. Elle ne l’est plu dans ce pays étranger si étrange, mais persiste. Indifférente aux dizaines de prix internationaux qu’elle reçoit (j’en ai une liste de 42), y compris la « Journée internationale Malala » créée par l’ONU le 12 juillet), elle passe ses vacances au Nigéria pour essayer d’aider à retrouver les 200 filles kidnappées par Boro Haram. A la nouvelle de son attribution du Nobel, elle continue toute la journée ses classes, et fait à la sortie un long discours impromptu d’une étonnante maturité à la presse mondiale qui l’attend depuis des heures. «Ce prix n’est pas simplement une pièce de métal ou une médaille qu’on garde dans sa chambre. Ce n’est pas une récompense qui marque la fin, mais c’est bien le commencement de ma campagne pour l’éducation des filles du monde » Et de retourner à ses études comme si de rien n’était.

 

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Il y a certes beaucoup plus, car un Fond mondial portant son nom a déjà été lancé avec succès pour aider le Nigéria, la Syrie, l’Irak où ses futures campagnes la porteront. On ne peut qu’applaudir. Plus. On ne peut que s’émerveiller qu’une musulmane de 17 ans puisse remuer à ce point le monde et porter avec le courage et la témérité de l’extrême jeunesse ce que nous, les adultes voire les vieux, nous n’avons pas été capables d’offrir à la jeunesse du monde : un monde où tous les enfants seront scolarisés, où toutes les filles seront éduquées. Même dans les pays riches, le pourcentage des 100 % n’existe plus, les exclus ne pouvant plus espérer accéder aux mêmes facilités que leurs aînés. Vu de nos pays déshérités, on se demande vraiment pourquoi ! Quoique je pense entrevoir la réponse, car quand Dieu est mis à la porte et que le respect même de ce qui est le plus humain est remisé sous le paillasson, il ne reste plus de tissu social et moral suffisant pour partager avec tous et toutes.

 

Le deuxième lauréat du Nobel de la Paix nous offre une certaine réponse. Kailash Sathiarti -Lumière de la vérité-, 60 ans, est étonnamment peu connu en Inde. Pourtant il a lui-même libéré dans sa lutte pendant des décennies, plus de 80.000 enfants des mains des esclavagistes de l’Uttar Pradesh, a créé un conglomérat de 2000 (sic) ONG dans 140 pays (dont des pays riches) pour la lutte contre le trafic des enfants. Disciple de Gandhi, ses armes sont la non-violence des actes…mais la violence des paroles. L’Inde ne lui pardonne pas d’avoir porté sur la scène internationale, l’esclavage de 38 millions d’enfants (sur les 168 du monde), la prostitution juvénile, voire l’obligation de refuser les objets ne portant pas les mots « non fait par des enfants », tout spécialement les fameux tapis d’orient. Il appelle le monde entier à une globalisation de la compassion (Dieu ! Comme je me sens proche de lui !) tout en affirmant être fier d’être indien : « L’Inde est la mère de milliers de problèmes, mais en même temps, elle est la mère de milliers de solutions…Gandhi n’avait pas besoin du Nobel car il est le symbole mondial même de la Paix. » Il crée l’enthousiasme de ses milliers de collaborateurs et de ses millions d’admirateurs mais irrite les élites, le gouvernement et les autres ONG qui le trouvent trop combattif. Probablement pour cela que les médias parlent si peu de lui ! En attendant, sa vie a été un combat et une réussite et il aura bien mérité ce couronnement, n’en déplaise aux esprits chagrins.

 

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Il me reste à résumer ce double prix Nobel. Pas facile vraiment ! Si les deux Premier Ministres ont appelés, l’une, Malala « le Bijou du Pakistan » et l’autre, Kailash, « l’Honneur de l’Inde », les deux nations ont, fort curieusement, réagies presque de la même façon : ‘Ce Nobel est une manière pour l’Occident de souligner la scandaleuse situation des femmes musulmanes et l’influence néfaste des talibans dans les décisions du gouvernement d’une part, et de corroborer les statistiques classiques sur la misère et l’oppression sociale de l’autre’. Les gouvernements sont plus fiers en général des Nobels de littérature ou de physique que ceux de la Paix qui accentuent toujours des points faibles de leurs pays. Mère Teresa étaient de ceux-là, même si c’est pratiquement le seul candidat qui a fait l’unanimité. Le Dalaï Lama est l’honorable hôte de l’Inde’ depuis plus de 50 ans et est souvent cité comme « le Joyau du pays », mais officiellement, le gouvernement ne peut rien dire à cause de la Chine. Il en est (presque) de même avec Malala, car une majorité des pakistanais la rejettent en l’appelant anti-islamiste, et on ne voit pas comment son pays pourrait la désavouer quand il a tant besoin de l’Occident pour sa lutte – et son silence – antiterroriste !

 

Le Comité norvégien du Nobel l’avait souligné : « Une musulmane et un hindou, une pakistanaise et un indien, voilà qui permettra peut-être de faire la paix entre les deux pays » Belle phrase pleine d’espoir, mais probablement bien trop utopiste pour réconcilier ces deux pays jumeaux séparés dès leur naissance. Les deux lauréats ont promis de tout faire pour travailler ensemble. Ce ne sera pas facile pour la petite Malala face au vieux routard du service social. Mais qui sait ? Il est temps que les rêves de la jeunesse remportent la palme sur le réalisme des adultes. Moi-même essaye presqu’en vain depuis quelques années d’inspirer nos autres ONG à travailler plus dans la direction des trafics de jeunes gosses et filles. Mais mes mots sont érodés par trop d’expériences négatives et par la ‘sagesse’ de l’âge.

 

Les jeunes n’ont plus besoin de sagesse, mais de prophètes pour changer les injustices et atrocités du monde. Malala est certainement sur les traces de la première femme musulmane soufie, la grande mystique prophétesse Rabîa qui vécut autour de l’an mille. Nous dont les racines sont du XXe siècle, nous avons totalement échoués à rendre le monde plus juste. Laissons-leur le droit d’essayer à leur tour. La voix de Malala résonne comme un frais appel de cor dans les nuages noirs de la politique. A 17 ans, elle veut être politicienne. Laissons-lui trouver son chemin !

 

Encore qu’il est presque sûr qu’elle finira, et plus rapidement qu’on ne peut le penser, sous les balles d’un assassin. Mais nous avons besoin de martyrs tout autant, et c’est son sang qui changera le monde et son nom qui résonnera peut-être tout au long du XXIe siècle.

On ne peut donc que se réjouir de ces deux nominations. Et ICOD a déjà accepté la proposition de changer le nom du Foyer des filles en « Foyer Malala ». Voilà qui aidera nos jeunes à choisir un modèle qui ne soit pas – Dieu merci - une star de cinéma ! Si vraiment la compassion est la fragrance de l’amour, Malala en est la preuve vivante, et Khailash également, mais dans un tout autre registre. Tous deux nous rappellent, et avec quel réalisme, « l’Evangile de la rose » de Gandhi. Elle s’épanouit, mais répands son parfum sur les autres, même sans le savoir.

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