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15/12/2014

Un nouveau pensionnaire

 Nous avons admis ici un jeune arriéré mental d’environ 13 ans. Une ONG nous l’a envoyé, de l’autre côté de Kolkata. Sa maman travaille comme aide à tout faire (un travail d’esclave s’il en est ici, et payé souvent qu’avec la nourriture offerte!) Elle ne peut le laisser seul à la maison car il s’enfuit toujours…

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Depuis le premier soir, il garde son sac sur le dos et dit à longueur de journée : «Je rentre chez maman » Il est adorable, mais ne comprends rien à rien. Il parle un impeccable bengali mais comme le ruissellement d’un fleuve. Sans arrêt et toujours expliquant : «Je rentre» Il ne cherche pas à s’enfuir, sauf par le portail principal, bien qu’il se plaise ici. Sa vieille maman pleurait en partant : « Je ne pourrai pas revenir avant un an » Elle est absolument seule. J’ai parfois – souvent - envie moi-même de pleurer en face de ce gosse aux yeux brillants, purs et sans malice, essayer de me convaincre en souriant… Pauvre gosse ! Que deviendra-t-il ? 

Rapport final sur l’action d’urgence dans les Himalayas

 

Mon filleul Papou m’a remis le rapport final de l’activité du « Centre de l’Espérance ABC » sur leur action d’urgence dans les Himalayas suite aux terribles inondations torrentielles et aux glissements de terrains et éboulements meurtriers de l’an dernier. Dans la chronique 155 de juin 2013, j’avais tenté de décrire par le menu l’effroyable et destructeur scénario de ce « tsunami himalayen » Papou s’y est précipité avec son équipe d’ABC et ils ont poursuivis leur action sur toute l’année commençant par un recensement complet des handicapés d’un des district les plus affectés : Rudraprayak dans l’État de l’Uttarakhand, coincé entre le Népal, le Tibet et l’Himachal Pradesh. Voici une courte synthèse comme à vol d’oiseau de leurs activités.

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Le neuf juillet, le team était déjà sur place, organisant six camps de détection, et dès leur retour, l’atelier d’ABC s’est mis à fabriquer de toutes pièces différentes types deprothèses/orthèses, pour doigts et poignets inclus. Ces callipers furent distribués et rectifiés sur place si nécessaires en mai 2014 pour 187 personnes. Les autres cas d’aides indispensables furent alors étudiés en profondeur, si bien que le 14juin 2014, ABC put annoncer à une réunion d’Etat de personnalités civiles et gouvernementales que 1254 personnes avec des degrés divers d’infirmités avaient été aidées….

 

Ce score me semble à tous points de vue remarquable, vu les circonstances, la distance et la totale absence sur place d’autres organisations spécialisées. Il leur fallut improviser à tous les niveaux, mais le team confirme qu’il a reçu toute licence et l’aide nécessaire par le gouvernement.

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Malgré la grande distance, ABC a donc réalisé là un magnifique exemple d’entraide d’urgence marqué non seulement par leur professionnalisme, mais par la compassion et l’amour, justement ce qui manque pour la plupart du temps dans les équipes ultra-payées du gouvernement ou les ‘volontaires’ étrangers super et extra payés (je ne trouve pas les termes pour fustiger cet aspect simplement indécent de l’actuelle aide des organisations internationales, à juste titre maintenant refusée par le gouvernement indien en temps de cataclysmes naturels, à cause des effets négatifs qui les accompagnent et surtout en sont les conséquences perverses, parfois à fort long terme) 

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Une émule de Malala au Bengale

 

 La célébrité d’une jeune musulmane de 18 ans, Anwara Khatoun, se profile soudainement dans les Sundarbans, à Shondeshkhali plus exactement, une île à moins de 15 km de la frontière du Bangladesh, jouxtant la pointe de la Réserve de biosphère des tigres du Bengale, là justement où j’avais travaillé dans les années quatre-vingt et où Woheb de SHIS a une de ses bases de départ pour ses bateaux-dispensaire. Il y a six ans, une pauvre gamine de 12 ans est kidnappée et enfermée dans une pièce sans fenêtres à Delhi avec d’autres fillettes de son âge. Elle se trouve soudain transportée dans un bagne, où toutes sont obligées de travailler 18 heures par jour, battues, injuriées, sous-nourries, terrorisées et abusées de différentes manières. Malgré sa faiblesse et ses blessures, la jeune fillette réussit à s’enfuir après un peu plus d’un an, et après un interminable itinéraire de peur et de souffrance et sans un sou, la petite de treize ans arrive à retourner chez elle. Elle est accueillie avec suspicion, car beaucoup pense plutôt qu’elle a fait une fugue. Elle refuse de parler de ce qu’elle a souffert et subit, mais jure de ne plus vivre que pour sauver toutes les autres victimes des mains d’odieux trafiquants. Elle retourne à l’école, rattrape son retard, et se lance dans l’action. Quand elle est triste, elle écrit des poèmes dans son journal intime. Son premier est écrit peu après son retour :

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 « Nous ne sommes peut-être que des enfants, mais nous sommes des êtres humais aussi. Est-ce que vous ne le réalisez pas ? Vous ne pensez qu’à vous, et jamais aux enfants. Les enfants ont une vie, des rêves, et peuvent souffrir. Et personne parmi vous ne le pense ! »

 

Résolue à oublier son passé, elle regroupe à 14 ans un groupe de 80 jeunes de son village et de 40 hameaux avec un seul but fixe : empêcher les trafiquants et aussi les mariages d’enfants. Elle organise ses troupes et va jusqu’à faire des répétitions des actions possibles de sauvetage qu’elle souhaite. Lorsqu’un homme (voire une femme) inconnu se présente au village, immédiatement, un jeune enfant doit venir la prévenir, où, si elle est à l’école, doit aller chez la responsable d’un groupe. Elle envoie alors quelques gosses de 7-8 ans, parfois moins, jouer innocemment autour de la maison où entrera l’inconnu, avec comme mission d’écouter subrepticement la conversation. S’il propose à la famille de donner de l’argent pour donner du travail à leur fillette ou garçonnet, un enfant court l’avertir. Et à coups de sifflets, elle rassemble sa petite armée qui va faire le siège de la maison, bâtons en mains, envoyer une grande fille expliquer à la maman le danger que court son enfant, sauter sur le malfrat dès qu’il quitte l’endroit, et l’amener à la police qui est devenue fraternelle. Que peut faire un homme, même fort, quand trente à cinquante jeunes lui tombent dessus ? Rien. Certains jours même, le groupe doit courir après le criminel et envoyer des grands garçons à vélo et maintenant à moto, pour avertir les villages voisins, le débusquer et bloquer son chemin. A quatorze ans, elle a trouvé sa route et son avenir. Elle écrit :

 

« Trafiquants ! Vous nous avez transformés en mendiants. Nous sommes allé à Delhi, puis à Mumbay, et même à Chennai (Madras), dans le Jharkhand ou au Rajasthan, et jamais nous n’avons reçu une seule roupie. Trafiquants ! Vous nous avez transformés en mendiants ! Nous ferons tout pour que vous soyez battus et alliez en prison. Nous ne vous lâcherons pas. Parce que vous nous avez transformés en mendiants ! »

 

A 15 ans, elle a déjà reçu plusieurs récompenses locales. Et un portable qu’on lui a remit au Bihâr et qu’elle va transformer en un outil efficace pour remplir son but. Elle s’affilie à une ONG de protection des enfants. Il n’y avait que quelques groupes de jeunes à son arrivée, d’ailleurs plutôt peu efficaces et avec d’autres buts. En quelques mois 1600 jeunes sont mis dans le coup, la plupart des filles de son âge. « Avec mon portable, je peux suivre chacun/ne d’entre eux et les diriger sur un cas spécial ou urgent. On peut maintenant s’enquérir des enfants qui ont été donnés à des trafiquants ou qui ont été mariés trop jeunes. Dès qu’on connaît leurs noms, la police nous aide à remonter les filières. La police, avant, était souvent de mèches avec les trafiquants. Maintenant, on a la loi pour nous. Et quand un jeune est tiré de leurs griffes, nous organisons une grande fête. Chaque famille des enfants donne quelque chose, et nous dansons de joie pour les recevoir ! Quelle jubilation pour moi ! » Mais elle n’oublie jamais la souffrance de ceux et celles qui connaissent encore le bordel ou le bagne. Et elle écrit à 15 ans : « Maman ! Je suis prisonnière des travaux forcés. C’était mon destin d’être enfermée entre quatre murs. Maman, je suis torturée de tant de façons, à part même mon travail de forçat. Ils ne me donnent aucun répit, maman ! » Elle va plus loin encore. Quand son groupe apprend qu’une jeune va être mariée à moins de 15 ans, certaines vont parlementer avec la famille. Si leur intervention semble vaine, le jour du mariage et de mèche avec le Maulvi pour les musulmans et les Poujaris (prêtres) pour les hindous, les groupes d’enfants interrompent le mariage et, si le futur trafiquant est là, (en général le nouveau futur marié !) livrent l’attrapent et le à la police séance tenante, car elle a été avertie d’avance.

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Elle est maintenant bien connue. Sa notoriété fait que son nom est proposé pour le Prix international de la Paix des enfants 2012. Mais c’est Malala qui l’obtient ! Et en juin de cette année2014, elle est la représentante de l’Inde pour la réunion intercontinentale de « Sauvez les enfants » Et rencontre le papa de Malala, mais pas cette dernière qui est à l’école. Mais elle apprend que Malala a affirmé à son père: « Anwara est une véritable héroïne » « Jamais de ma vie je m’étais imaginé que j’aurais un passeport ! Et que j’aie reçu la promesse de rencontrer un jour Malala, mon idole, le modèle de toute mon action. Je veux être comme elle un jour. J’étais si heureuse le jour où elle a reçu le Nobel de la Paix. Je collectionne toutes les coupures de journaux sur elle. Mon bonheur est de donner aux autres ce que je n’ai jamais connu : l’amour et la protection dus à une enfant » Et son oeil de pétiller de malice quand elle affirme : « Ma vie est tracée, et je ne la changerai jamais ! » A dix-huit ans ! Quelle merveilleuse nouvelle pour nous les vieux…ou les désabusés d’une jeunesse…désabusée!