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06/09/2016

Quelques mots sur Mère Teresa

Mère Teresa a été canonisée dimanche 4 septembre.

Dans sa dernière chronique, Gaston, qui l'a rencontré dès 1972, évoque quelques traits de cette sainte femme.

Ceux qui ont regardé le retransmission télévisée de la cérémonie de canonisation, ont pu voir Gaston qui a répondu pendant une dizaine de minutes à un interview. 

Que dire de cette fameuse Mère Teresa, appelée maintenant 'Sainte -Teresa- de-Calcutta'?

"Mère Teresa est la joie et la fierté de l'Inde" nous disait récemment le président de l'Union. Mais bien d'autres rajoutaient: "Mais pourquoi lui supprimer le titre de Mère, alors qu'elle est considérée comme la Mère du pays, presque comme la déesse "Bharatmata en Hindi" (Mère de Bharat", nom officiel de l'Inde de toujours dans la Constitution et qui est imprimé sur les timbres) Et pourquoi le chef des chrétiens de Rome (ce que tous les indiens croient que le pape est) tient tant à la proclamer 'Sainte' alors qu'on l'a toujours considérée comme telle?

Justement, aujourd'hui je me contenterai d'anecdotes plus médiatiques, car après sa mort puis  sa béatification, j'en avais longuement parlé et sur le plan spirituel. Mais il me semble qu'il faut simplement la réhabiliter aux yeux des sceptiques en essayant de montrer sa valeur simplement humaine. Un sacré bout de bonne femme, comme vous le verrez! Et sacrée par dessus le marché.

Pour les hindous, musulmans, parsis, bouddhistes, jains, sikhs etc. qui croient tous que "servir les pauvres est servir Dieu", et pour les chrétiens qui savent que "les pauvres sont la Face de Jésus-Christ", celle qui a donné toute sa vie pour alléger leurs souffrances ou manques d'amour par l'Amour même de Dieu était déjà une sainte. Partout à travers le monde, ceux qui ont un peu connu son action avant même sa personne, parlaient de "la Sainte vivante ". Ne nous méprenons pas. Elle n'avait rien de ce qu'on appelle avec pas mal d'arrogance ou d'indifférence, "une bonne Sœur". Alors, on l'assimile purement et simplement à certaines citations, pourtant merveilleuses, et on l'écarte comme "pas sérieuse ou rose-bonbon"

"Chacun de vos sourires est un acte d'amour, un magnifique don pour toute personne...Chaque sourire est le début d'un acte de gentillesse... Un acte d'amour sans sourire n'est que philanthropie"

Essayons déjà cela, et on verra que pour beaucoup, ce sourire permanent demande plus d'effort que de passer le bac!

Lorsqu'en 1948 elle  quitta son collège pour filles riches, le meilleur de la ville où les anglais mettaient leurs demoiselles et où elle était une des meilleurs professeurs, elle acheta, oh scandale, deux simples saris au lieu du vêtement amidonné traditionnel, justement, des "bonnes Sœurs'. Sa supérieure  interdit aux étudiantes d'aller parler à cette 'hérétique'. L'archevêque la croyait orgueilleuse et un peu cinglée, car elle n'avait littéralement "pas un lieu pour reposer sa tête". On lui jetait des pierres, les gamins la poursuivaient, les mendiants l'injuriaient car elle n'avait rien à leur donner, les policiers pourchassaient cette "blanche mendiante' au sari si délavé, les prêtres lui fermaient leurs églises par peur d'un larcin. Durant plusieurs années sa vie fut proprement infernale. Mais vaillamment elle continuait à soigner les miséreux, les lépreux qu'à l'époque personne n'osaient approcher. Mais sa compassion stupéfiante fut vite connus des marginaux, et quand vint se joindre à elle timidement la première fille, Agnès, 17 ans, très rapidement plusieurs de ses étudiantes vinrent partager avec elle l'épouvantable misère de cette métropole où s'étaient réunis pour survivre ou mourir les plus chanceux de la famine criminelle organisée par les anglais en fin 1943 et qui fit plus de trois millions de morts (sic) Pour faire bon poids, des dizaines de milliers de mutilés des terribles "Journées d'Action active" de 1946 organisées par la Ligue musulmane pour obtenir le Pakistan, vinrent s'ajouter à la misère. Auxquels se joignirent les autres millions impossible à dénombrer, venant se réfugier dans ce caravansérail de la détresse  et de l'adversité,   chassés par la Partition de 1947, la plupart cette fois musulmans du Bihâr ou hindous et chrétiens du nouveau Pakistan Oriental (aujourd'hui Bangladesh). Et ces trois dates, 43, 46, 47 créèrent la "Capitale de la Nuit Noire" la plus épouvantable du monde. Et au milieu de ces cadavres vivants se dévouait seule et sans moyens, notre petite sœur laïcisée non encore reconnue comme une religieuse. Mais entourée par l'essaim vite grandissant des  filles de la bonne société qui avaient tout quitté pour la suivre, sans même savoir si elles seraient reconnues un jour par l'Eglise, elle fit feu des quatre fers! Et son génie de l'organisation allait transformer cette bande de jeunes filles riches devenues plus que pauvres en la congrégation à l'expansion la plus rapide du monde catholique avec celle de St François d'Assise au XIIIe siècle. Et se joignaient à elles nombre de jeunes hindoues et musulmanes attirées par son...sourire et sa tolérance envers tous et toutes, qui même sans faire de vœux, se dévouaient nuit et jour au service des cadavres vivants et des plus paumés.

C'est ainsi qu'elle devint connue par les millions d'habitants de cette ville apparemment maudite comme  "L'Ange des slums". Quelques 20 ans plus tard, en 1972, c'est ainsi qu'on la nommait quand je suis arrivé dans le slum de Pilkhana et que je l'ai rencontrée pour la première fois à 100 m. de ma cahute. Son génie de l'utilisation de chacune selon son tempérament propre, son amour infini pour tous et toutes les religions, sa dimension mystique qui l'égalait déjà à la grande et super énergique sainte Thérèse d'Avila qui faisait trembler les rois de Castille au XVIe siècle, l'avaient déjà alors désignée par l'Eglise comme une de ses meilleures religieuse. Mais bien avant, les 'purohit-prêtres' du plus grand centre de pèlerinage hindou de  Kalighat lui avaient offerts de quoi loger ses centaines de mourants, la municipalité de la ville, conquise par son dynamisme, avait mis à sa disposition de nombreux terrains pour ses œuvres grandissante et modifiaient ses lois pour accommoder ses désirs. Et le cardinal Picachy de Calcutta soupirait en me disant: "C'est une grâce insigne de l'avoir, mais je vous assure que c'est surtout un énorme souci car elle obtient tout ce qu'elle veut...même de moi!"

C'est avant même cette époque, vers 1953 je pense,  que par chance, j'en entendis  pour la première fois parler, par un de mes cousin issu de  germains, Pierre Pittet, grand reporter dans le monde pour les missions , qui fit les premières photos de la petite Sœur en sari dans son mouroir de Kolkata. Ce qui électrisa d'ores et déjà tous ceux et celles qui pensait à l'effarante misère du monde d'après-guerre. Dont moi-même, car avant  10 ans, je savais déjà que j'y consacrerai ma vie, sans d'ailleurs soupçonner que ce serait non seulement dans le pays même de Gandhi, que me parents chérissaient, mais dans la même ville que Teresa!

Jamais au grand jamais elle n'a fait des conversions, suivant en cela son Maître Jésus-Christ. (Il est né et mort Juif, qui a-t-il pu convertir à un christianisme inexistant? Ah, si on savait suivre ses traces!) L'amour était sa seule action et seule motivation car elle Le voyait en chacun des êtres humains, pauvres ou riches. Rapidement, le  dur et pur Ministre en chef pendant quelques 23 ans du Bengale Jyoti Basu, la tint en grande estime, puis en amitié. Il ne pouvait rien lui refuser. L'Etat indien lui attribua dès avant mon arrivée, les plus hauts honneurs civils. Et quand enfin elle reçut la consécration du prix Nobel de la Paix en 1979, elle était déjà depuis longtemps l'amie des papes et des présidents de dizaine de pays, (qui deviendront bientôt des centaines quand elle enverra ses Sœurs et Frères  aux quatre points cardinaux), respectée même par les dictateurs qui abondaient à l'époque, intervenant avec énergie et sans peur au milieu des pires conflits du Moyen Orient, d'Asie, d'Afrique ou d'Amérique (obtenant même des cessez-le feu temporaires pour ramasser les blessés, là même où la Croix ou le Croissant Rouge s'avéraient impuissants) En 1973, je l'entends encore dire avec l'émerveillement d'un enfant ce que Dieu a fait : "Nous avons maintenant 400 novices de  35 nationalités", comme si elle n'y était pour rien.

 C'est vers cette époque que les médias s'emparèrent d'elle et que les batteries de dizaines de télévision la suivirent  un peu partout. Elle y gagna en aide. Elle y perdit en crédibilité. Car chaque Etat, chaque ONG, chaque institution essaya de l'utiliser. Y compris le Vatican  qui parfois contre son gré l'obligea à parler en Europe ou en Inde par exemple pour des causes dont elle ne percevait pas l'exacte raison. Elle était devenue puissante dans son humilité absolue, et on l'utilisait pour chaque cause, juste ou douteuse. On commença alors à la critiquer, dans les pays qui s'arrogent depuis des siècles le droit (divin?) d'exercer dans le monde la tyrannie intellectuelle  de l'arrogance occidentale, spécialement dans les  groupes à visées anticléricales. Et là où l'anglais était peu parlé, les critiques eurent beau jeu d'attaquer cette "bonne sœur" par trop médiatisée à leur goût. Et puis, elle affirmait à qui voulait l'entendre que "la pire misère n'est pas dans les manques matériels, mais dans les manques d'amour dans les pays riches!". Quoi, Calcutta supérieur à New York, Rome  ou Paris? Cela ne pouvait évidemment pas plaire à ces orgueilleuses villes-phares de la consommation! On le lui fit bien voir, par médias méprisants interposés.

Mais elle passait, imperturbable, son chemin, son sourire éclairant un visage de plus en plus ridé et ratatiné par l'âge, mais au milieu duquel les yeux jusqu'à la fin remplirent le monde de leur lumière  étincelante et malicieuse. Car elle était pleine d'humour et faisait rire tout le monde. Les portes de tous les temples de toutes les allégeances hindouistes, des mosquées, sunnites aussi bien que chiites, des gurdwaras des Sikh, des monastères bouddhistes du Grand ou Petit Véhicule (elle était déjà la complice  du Dalaï Lama depuis des décennies), toutes les religions et sectes lui ouvrirent leurs portes pour la prière, alors même que beaucoup d'entre elles n'acceptaient même pas leurs propres membres féminins dans leurs murs. Les Jaïns par exemple, dont les moines vivent "vêtus d'éther et de vent", à savoir complètement nus, acceptèrent de porter une toge pour qu'elles puissent prier avec eux dans leur Saint des Saints! Au Vatican, toujours en sandales et à pieds nus, elle était aussi - sinon plus - vénérée que le pape, alors même que Gandhi 50 ans auparavant avait été refoulé par les Gardes Suisses car il était nu- pieds! Jésus lui-même d'ailleurs n'aurait pas pu entrer sans écoper d'un bon coup d'hallebarde helvétique! (Mais  en 1985,  il me fallut exhiber mon passeport suisse et la lettre d'invitation papale pour daigner poser mes sandales bengalies sur les tapis persans sacrés!) On n'en finirait pas de décrire l'unanimité qui s'est faite autour d'elles, du moins dans tous les pays de ce qui était alors le Tiers Monde à majorité non chrétienne. Quelques pays par trop cartésiens la boudaient, mais seule la Chine lui refusa obstinément les portes de son 'Empire  du Ciel interdit'.

...Bon, me voilà en train de me lancer dans un panégyrique. Pourtant, elle n'était pas sans défaut, mais comme c'étaient réellement  ce qu'on appelle des péchés mignons, comme sa vénération éperdue pour toute hiérarchie, il est bien inutile d'en parler. Car quand des 'scribes voire pharisiens' catholiques voulaient la classer, ils la mettaient d'emblée dans les 'conservatrices' ce qui n'avait aucun sens pour ce petit bout de femme qui avait brisé tous les tabous, défié tous  les privilèges , abrogé toutes les règles, rajeuni la notion de femme consacrée, rétabli le sacré entre les diverses religions, méprisé toutes les conventions, affronté les interdits politiques, et piétiné les barrières érigées par les compromis humaines, celles de la richesse, de la caste et des frontières dressées en dépit du droit des peuples. Elle était incroyablement libre et mettait sa liberté au service des plus petits. Il est évident qu'elle ne pouvait finir qu'à se faire quelques ennemis. Et son amoureux respect de la liturgie et de la papauté la classa bien loin des progressistes, alors que toute sa vie n'avait été que...progrès et audace... Mais on ne peut pas être disciple de Jésus sans attraper quelques clous et souvent une bonne couronne d'épines!

Depuis le 26 août jusqu'au 10 septembre, tout Kolkata sera mobilisé pour les fêtes qui entoureront sa canonisation à Rome. Notre archevêque, si bon pour moi, célébrera avec le pape François la messe principale. La délégation bengalie comprendra plusieurs centaines de personnes avec de nombreuses personnalités, dont la Ministre en chef Mamata. Le Premier Ministre indien avait accepté l'invitation, mais finalement s'est désisté pour ne pas  déplaire à l'aile ultranationaliste  antichrétienne de son parti. La ministre des affaires étrangères le représentera. Nous aurons ici une série de symposiums, de grandes manifestations de masse de l'archidiocèse tout d'abord, (qui compte  18 évêques) puis de tous les chrétiens, mais toujours avec des représentants de toutes les grandes religions, enfin de la société civile, élus en tête. Un festival d'une trentaine de films avec le deuxième le plus importants, celui de Dominique Lapierre, est organisé aussi. Première fois dans le monde qu'un saint est honoré d'un festival à son nom! Kolkata donc sera en fête, car pour tous et toutes, "Teresa-de-Calcutta" est leur sainte. J'y serai discrètement présent car je suis pratiquement inconnu dans la métropole, et Dieu merci. Même pour le  clergé je serai un "étranger de passage". Le fardeau de devoir être connu en Europe  me suffit amplement  comme croix...

01/07/2016

Nouvelle réussite pour ABC

Extrait d'une des dernières chroniques de Gaston.

 

ABC, dynamisé par la reprise de l'aide de Dominique Didi, est venu me montrer triomphalement le Certificat du Conseil National de Réhabilitation l'acceptant comme membre actif, et lui donnant la permission d'ouvrir un cour universitaire avec Degré reconnu par l'Etat "d'Education spéciale" (D.Ed.Spl.Ed.MR) durant deux ans.

C'est justement le type de professionnel dont nous-mêmes avons le plus besoin. Cela équivaut à un Diplôme d'Etat français (comme j'ai eu celui d'infirmier)

C'est le premier centre d'Howrah (5 millions d'habitants) pour ce type de diplôme. J'essaye d'y faire inscrire la fille d'une de nos meilleurs travailleuses qui vient juste d'obtenir son Certificat final scolaire. Mais il me faut encore trouver une bourse, car ABC, et c'est leur génie, fait payer  le cours rubis sur l'ongle. L'expérience passée nous a appris qu'il est impossible – je répète 'impossible' - de devenir auto-suffisant en ne voulant aider que les pauvres. Il faut à un certain moment, se résoudre à faire payer ceux qui le peuvent - donc les classes moyennes ou les plus riches - pour pouvoir s'en sortir sans aide de l'extérieur. ABC fait payer -et cher - ses meilleurs prothèses/orthèses (jusqu'à 2.000 € les plus modernes) et peut ainsi presque faire tourner son atelier de fabrication, tout en offrant gratuitement les appareillages aux plus pauvres. Pour les cours d'éducation spéciale (pour infirmes, vieillards, IMC, sourd-muet, aveugles etc.), les étudiants payent 3.500 roupies par mois, soit  ~550 € par an durant deux ans. Seules de familles de classe moyenne peuvent payer cela. Alors, on cherche des bourses pour ceux qui ne peuvent pas payer. De toute façon, les 9/10 des étudiants qui peuvent se présenter sont les meilleurs de leur classe, rarement trouvés parmi les plus démuni...ou même à ICOD! Excellente initiative de Papou donc qui maintenant permet à ABC d'être auto-suffisant pour 20 % de son budget.

 

 

Un débouché pour nos jeunes

Voici un extrait d'une des dernières chroniques de Gaston.

Intrigués par une émission de TV sur ICOD, un groupe de personnes d'âges moyens sont venus nous visiter fin mars.

Ils sont apparemment tombés amoureux de notre travail, car ils nous ont sur le champ proposés un marché: "Accepteriez-vous de nous confier vos jeunes des classes VII et VIII (entre 13 et 14 ans) et ceux et celles qui ont passés l'examen de classe X (16 et 17 ans) Nous nous chargerions de les former jusqu'en terminale (Cl. XII) et ensuite, après un an de formation paramédicale, de les admettre dans notre hôpital où ils/elles recevront un salaire et travaillerons comme infirmières, laborantins, garçons de salle etc. selon leurs capacités. Si certaines se sentent des vocations d'infirmières, nous envisageons de les faire former pour le diplôme d'état dans un hôpital agréé." Le grand-père à barbe blanche qui nous proposait cela ne ressemblait certes pas au Père Noël, mais par l'enthousiasme, le transport et la conviction avec lesquels il nous parlait réussit à nous convaincre que son ONG était exceptionnelle. Et après avoir lu leurs documents, nous étions conquis.

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En gros leur itinéraire n'est vraiment pas piqué des vers. Une grande usine qui ferme. Des ouvriers au chômage mais qui touchent partiellement leurs salaires. Organisation en coopérative. Décision de fonder un petit dispensaire avec les structures de l'ancienne usine. Un médecin volontaire est trouvé. Toute la localité aspire à un hôpital, car il n'y en a aucun au nord d'Howrah (tout comme au sud à cette époque: 1990). Les usines locales promettent leur contribution. Un étage est construit. Un petit centre médical, dit secondaire (hospitalisation), se développe. D'autres médecins viennent gratuitement de Kolkata renforcer le personnel. Des spécialités sont fondées. Et vers 2000, le besoin de se lancer dans le tertiaire médical avec chirurgie générale, puis quelques spécialités. Aujourd'hui (voir la photo), 4 étages (le cinquième abrite les infirmières), 15 spécialités y compris cardiaque, rénale, pulmonaire, gynécologie, pédiatrie etc. Près de 50 spécialistes viennent des plus grands hôpitaux de Kolkata. Toutes les opérations, même les plus sophistiquées et pointues sont gratuites. Le malade ne doit payer que le matériel chirurgical. Exemple: la moindre intervention cardiaque coûte 250.000 roupies (environ 3500 €) dans n'importe quel autre hôpital. Ici, 25.000 roupies (~ 350 €). Et d'autres cas, simplement 8, 10 ou 15.000 roupies Un système d'assurance que je n'ai pas encore bien compris a mis toute la population dans le coup. Bref, je ne connais pas d'autre lieu hospitalier où tout est pratiquement gratuit.

Autre originalité: un centre éducatif a été ouvert dont nos étudiants bénéficient: des jeunes sont instruits gratuitement de 13 à 20  ans. S'ils ne sont pas trop doués, au lieu d'être renvoyés, ils sont utilisés comme personnel général et payés. Les meilleurs deviendront personnel paramédical, voire, dans certains cas paraît-il, médical. Inutile de dire que pour ICOD, cet hôpital devient une Providence avec P majuscule. Et on a tellement besoin partout d'infirmières!

Un troisième bénéfice est en voie de discussion, mais qui semble déjà être pour leur fondateur, une réalisation: ils cherchaient un lieu pour implanter un hôpital similaire dans le sud d'Howrah. ICOD, affirme-t-il, leur est providentiel également. Leur team est déjà venu prospecter et...décider. Ils règleront tout, un dispensaire, puis, comme chez eux, un hôpital etc. et peu à peu, nos jeunes formeront les cadres complémentaires. Il projette l'avenir avec un réel enthousiasme, d'autant plus il faut le dire que mon nom attirerait, paraît-il, les médecins...En Inde, on fait vite mousser les événements et les personnes. mais j'ai déjà mis deux point sur les i: Un, il ne peut s'agir que d'une coopération à égalité entre  David et Goliath (ICOD est vraiment tout petit) et, deux, ils doivent accepter par écrit et en contrat la priorité absolue des plus démunis et des personnes infirmes, rejetées, "inutiles" ou âgées (Comme moi sous peu par exemple!) Comme il semble que ce soit aussi ce qui les ait attirés chez nous, ils sont unanimes à accepter ces deux propositions. Attention au lièvre et à la tortue, et  prenons tout le temps sans brûler les étapes. Car la pépite qui brille trop n'est parfois qu'un leurre. Leur bonne foi est certaine et l'histoire nous dira si le jeu en vaut la chandelle. En attendant, l'espérance a donné des ailes à plusieurs personnes dans ce climat électoral non seulement malsain mais criminel, et je ne dédaigne pas l'occasion! Personnellement en tous cas, je n'ai aucune envie de m'occuper de tout cela. Je laisse leur responsabilité, à la nouvelle génération, surtout après ma démission l'an prochain à 80 ans. Certes je continuerai à être au service de tous et toutes, mais sans responsabilités  spéciales, sinon morales. Il est injuste dans un pays où 60 % de la population à moins de 30 ans (~730 millions!), 50 % moins de 20 (~650 m.), que les seniors ne le leur laissent pas la place! En attendant ces temps futurs, nous pouvons bénéficier de leurs services gratuitement. Nous leur avons amené le petit Broto souffrant d'encéphalomalacie irréversible  et leur spécialiste a confirmé les soins que nous donnions, le cas étant comme je le savais, désespéré.

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Mais finalement, ce qui devait arriver arriva: sur cinq de nos jeunes (sur la photo ci-dessus, il manque un garçon),  deux filles furent vite considérées comme désobéissantes et même, à notre grande honte, un danger pour leurs garçons! Pas étonnant, car la maman de l'une est prostituée et l'autre a navigué dans trois familles avant qu'on la prenne à ICOD. De plus, quatre sont trouvés trop faibles en anglais et mathématiques, ce qui en fait la risée des plus anciens. Seule une fille, Krishna, a racheté ICOD car chacun l'a trouvée excellente à tous points de vue. On avait averti les dirigeants, mais ils ne nous avaient pas cru quand je les avais averti que prendre certaines de nos filles  équivalait à mettre un chacal dans le poulailler (équivalent à l'introduction d'un loup  dans la bergerie!) On ne rééduque pas ce genre de gosses comme des enfants de familles aisées!

Une autre organisation de Kolkata,  qui s'intitule "SARA, les amis d'ICOD", et nous a déjà aidé fréquemment: nourriture, vêtements, librairie, bourses pour des hautes études, s'est mise en tête de d'utiliser les terres en jachères d'ICOD pour de l'agriculture bio ainsi que pour la pisciculture: nettoyage complet de l'étang et introduction  de quelques milliers de nouveaux poissons. Ils ont commencé ce mois. Ils payent tout et nous récolterons tout. Mes amis m'ont signalés gentiment que mon esprit plutôt pingre devrait être satisfait de ce genre