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03/05/2016

L'ICOD en avril 2016

Nous venons de recevoir la dernière chronique de Gaston.

Dans cette assez longue narration, Gaston évoque en particulier la vague de chaleur qui s’est abattue sur une grande partie de l’Inde et qui parfois s’accompagne de la sécheresse (ce qui n’est pas le cas au Bengale).

Il décrit le sort d’un certain nombre d’handicapées physiques qui après de longues années de soins ont pu quitter l’ICOD. « Certaines sont rentrées dans leurs familles, d'autres ont ouverts des petites échoppes de couture, certaines, même orphelines ont pu faire des études supérieures comme Mumtaj maintenant à l'université ou comme Dalhia en deuxième année de collège (mais toutes deux toujours suivie par ICOD).”

Ce n’est pas le cas de toutes. “Certaines enfin, orphelines et trop lourdement invalides et désavantagées, sont restées à ICOD, formant dans notre école de tailleurs les grandes filles des villages.

C’est une période d’élection en Inde, et Gaston décrit les divers partis en lice et les alliances entre les uns et les autres ; il en résulte un choix bien difficile ; le résultat sera connu à la mi-mai.

Vous trouverez ci-après l’intégralité de trois sujets exposés dans la chronique de Gaston :

Tout d’abord une histoire d’amour et de dévouement,

Ensuite le récit d’une erreur judiciaire qui se termine bien que Gaston raconte avec verve et un certain humour.

Et enfin une sortie pour 4.000 enfants dont des pensionnaires d’ICOD ont bénéficiés

 

Nous vous souhaitons une bonne lecture  de ces récits ; et n’oubliez pas de soutenir par un don l’action de l’AVTM pour que des sourires illuminent toujours les visages des pensionnaires des diverses ONG que nous soutenons.

Une histoire d'amour

On se demande souvent comment pratiquer le seul commandement qu'on trouve dans l'Evangile: "Aimez-vous comme je vous ai aimé" Pas facile vraiment, car Christ nous a aimé jusqu'à en mourir...Une de nos fillettes de 14 ans, Soma, orpheline, simple d'esprit, ne parlant jamais,  mais fort douce, a attrapé la varicelle après qu'une autre l'ait eue. Fort banal ici. Pour éviter la contamination (car on peut en trois jours avoir 40 jeunes atteints, j'ai exigé l'isolation et la quarantaine. Elle ne pouvait rester seule, ayant trop peur des 'esprits'. On a demandé aux responsables une  volontaire  pour rester avec elle. Sous des prétextes divers, aucune n'a accepté. On ne savait trop que faire, Gopa et moi. Tout à coup, une petite voix s'est timidement élevée: "Moi je peux rester avec elle" C'était "Adimoni-ancestrale-prunelle-de-mes-yeux" ('Adi' signifiant "premier" pour les adibassis), notre aborigène Santali  de18 ans. "Mais tu sais que c'est très contagieux, sans conséquence pour les tous jeunes, mais parfois très graves pour les adultes. "Je sais, tu nous l'as souvent expliqué" Alors tu veux rester malgré le danger ? "Nistchoy-bien sûr". Et comme c'étaient les vacances scolaires, les deux se sont installées dans la chambre d'isolation. Personne n'y rentrait sauf moi deux fois par jour. Je me désinfectais pour ma part des pieds à la tête pour que je ne balade pas les virus en pique-nique à travers tout ICOD! La responsable des jeunes glissait sur une chaise les repas mais sans entrer.

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La petite Soma... en est ressorti après 15 jours, sans trop de dégâts. Après plus d'un mois, Adimoni y est encore, car elle a été infectée  gravement. Le virus de la varicelle s'acharne sur les adultes parfois jusqu'à la défiguration à vie, d'autres fois jusqu'au décès par bronchopneumonie, surinfection staphylococcique, voire même encéphalite. Au quatrième jour, j'étais prêt à appeler un médecin. Ce qu'on ne fait jamais pour une varicelle. L'apparition des pustules a été fulgurante sur tout le corps. Les muqueuses de la  gorge, des narines et des oreilles ont été touchées, ce qui est très mauvais signe. Elle ne pouvait plus parler (ou du moins moi, je ne pouvais plus l'entendre!) Heureusement, le visage n'a été atteint que plus tard et ne semble avoir été que superficiellement envahi. Pour une jeune fille, c'est le souci capital. Elle en porte encore les stigmates après un mois, mais elles disparaitront sans laisser de traces, sauf sur certaines parties du corps. Elle a beaucoup souffert pendant la deuxième semaine, mais jamais, jamais elle n'a émis une seule plainte. Quand elle ne pouvait plus parler, j'ai pensé qu'elle m'en voulait parce que je l'avais laissée se dévouer. Mais ensuite, elle m'a expliqué: "Jamais je n'en t'ai voulu, c'est moi qui l'ai décidé" Elle aurait pu littéralement y laissé sa peau (cicatrices, qui parfois empêchent le mariage) ou sangloter, ou regretter, ou se fâcher contre Dieu, ou etc. Mais non. Elle a souvent dit: "Vous priez  le Grand Dieu (le Mahadev-Shiva de ses tribus, et pour moi le Père de Jésus) et tout ira bien" J'en avais parfois les larmes aux yeux. Un tel dévouement, pouvant provoquer un tel dénouement (cicatrices, déformations, voire mort) est le signe même qu'elle a compris intérieurement le commandement évangélique, sans même le connaître. Et cela, je puis vous l'assurer, est une leçon d'amour désintéressée pour moi aussi, prouvant "qu'il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour son prochain" comme le disait Jésus-Christ. 

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Merci de ton témoignage de compassion et de bon cœur, petite Adimoni-ancestrale-prunelle-de-nos-yeux" .

Une erreur judiciaire qui se termine bien.

Je connais Mukul depuis près de 25 ans.

C'est un musulman du coin qui a fait partie de notre premier Comité d'ICOD en 2004. Quand il était jeune, il s'était attaché à mon idéal et avait toujours rêvé de fonder une ONG. Lettré, Intelligent, généreux mais querelleur presque involontaire, je voulais le laisser mûrir avant de lui proposer quelque chose. Deux ans dans notre Comité lui suffisent pour nous quitter et fonder une petite ONG au nom fort compliqué avec ambitions de devenir une association multi religieuse. Il se lança avec fougue dans notre CIPODA (Centre interreligieux d'ONG de développement). Il s'y fit, par son dynamisme, un tas d'amis, et quand même un nombre petit, mais impressionnant, d'ennemis. Je sais comment se faire des amis, mais je n'ai encore jamais compris comment on peut se 'faire des ennemis'. Je n'ai certes aucun ennemi, mais je sais que certains se considèrent comme mes ennemis. Curieux, et bien dommage pour eux!

Pour revenir à Mukul, il a ainsi lancé plusieurs petits projets  dans notre secteur, que nos amis d'AVTM Paris ont acceptés de financer, vu l'exceptionnel bas coût. La plupart du temps, quelqu'un qui demande de l'aide à l'étranger propose des sommes fantastiques...Mais toujours il s'est contenté de ses projets. Jusqu'au jour où il a épousé, un peu sur le tard, Nasima, une géniale musulmane, étudiante encore à près de trente ans, et cachant sous sa  'bourqua' noire qui la couvre des pieds à la tête  plus de diplômes dans tous les secteurs que la plupart de mes amis des ONG. Ultra généreuse, dynamique et enthousiaste, polyglotte apprenant même le français, elle me considère comme son Gourou et vient souvent me voir pour des conseils. Ce que j'ai bien de la peine à lui donner car elle me dépasse sur tout d'une bonne tête. Malheureusement et comme son mari, elle est plutôt du genre chicaneur et agace vite un certain nombre de personnes, surtout les femmes simples qui n'apprécient pas les "du-même-sexe" intellectuelles et verbeuses, et les hommes qui n'acceptent ni les femmes supérieures, ni les femmes tout court! Elle poursuit donc ses études à Mumbay.

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Un jour la voilà qui surgit échevelée comme une sorcière sous son voile noire mal ajusté, fulminant des menaces presque incohérentes contre ceux et celles qui avaient fait mettre son Mukul en prison, hurlant des invectives qui les enverrait dans un des sept enfers promis par le Coran. Après l'avoir calmée, on a pu comprendre que Mukul etait accusé d'avoir violer une jeune fille de sa courée et était interné sans pouvoir bénéficier d'une caution, le viol méritant depuis deux ans  d’une punition de prison de 10 ans ou même à vie, ou dans les cas les plus brutaux de pendaison. Elle a essayé de nous convaincre qu'il n'était coupable en rien, mais comme elle était absente depuis longtemps, je lui ai dit qu'on ne peut guère se prononcer sans en savoir plus.

Jamais durant les 436 jours qu'il a passé en prison, elle n'en n'a démordu: «Il est innocent, et il en sortira blanchi" Devant la situation judiciaire indienne que je connais bien, où des millions de cas ne seront traités que dans les 20 ou 30 prochaines années, je ne voyais pas comment cela pourrait se faire.

Bref, elle a remué ciel et terre, a déménagé seule sa maison, qui avait été presque vidée de tout par la vengeance de ses voisins, amenant à ICOD tout ce qui pouvait être encore utile, et, sans le sou, a finalement demandé à Gopa de lui faire un prêt pour qu'elle puisse au moins payer les quatre personnes qui travaillaient à l'association. Dans sa détresse absolue, on lui donna une bonne somme pour la dépanner elle-même, et un prêt pour couvrir les frais de son organisation, Mukul étant le seul à pouvoir retirer l'argent de la banque! Je ne sais comment elle a fait, mais elle s'est fort bien débrouillée. Avec sa langue bien pendue, son sourire permanent et son intelligence certaine, elle réussit à convaincre des avocats de l'aider gratuitement. N'ayant plus de logement, elle partit chez ses parents dans le district voisin de Midnapour et on n'entendit plus parler d'elle durant six mois. Je l'attendais avec quelque impatience, car je tenais à aller voir Mukul en prison. Elle nous avait dit qu'il y enseignait les convicts et qu'il était bien noté...

Et voilà que la semaine dernière, Nasima nous arrive toute excitée et rayonnante...cachant derrière la porte la surprise qu'elle tenait à nous faire! Et notre Mukul de faire son apparition comme un diable de sa boîte et nous embrassant chaudement, Gopa et moi, lui et elle, elle et moi! "Comment c'est possible,  tu as obtenu la caution?" - "Non, je suis libéré!" Je n'en revenais pas, car je n'avais jamais attendu un jugement, surtout d'un pareil cas, avant quelques années, Gopa elle-même trainant comme un boulet son accusation de vente de bébé depuis 4-5 ans...

Explications compliquées, car bien entendu, les deux parlaient à la fois et essayaient mutuellement de faire taire l'autre! Finalement, voici le fin mot de l'histoire: un des mullahs de leur courée, furieux que Mukul ait refusé d'y faire un puits collectif (j'y étais allé et l'avait déconseillé) a suggéré à une petite jeunette de 16 ans un peu simplette de porter plainte contre Mukul pour gestes obscènes contre elle. Le papa, probablement plus roué que simplet, l'accusa de viol ce que la fillette signa. En quelques heures dans ces cas, la police arrête le coupable et...il n'y a plus rien à faire qu'à attendre un jugement en priant pour qu'il soit délivré avant le Jugement dernier, le judiciaire indien ayant à juger 33 millions (sic) de cas en retard!

Mais c'était sans compter avec notre Nasima qui adorait son mari. Elle fit comme le rat de La Fontaine pour le lion empêtré dans ses rets..."et fit tant par ses dents qu'une maille grignotée emporta tout l'ouvrage" La fille ayant maintenant 18 ans, sous les assauts de Nasima, finit par avouer qu'elle ne savait pas ce que c'était qu'un viol, et que le Mullah voisin lui avait dit de porter plainte comme cela. Elle ne savait rien de plus et ne comprenait pas que l'Oncle Mukul ait disparut depuis près de deux ans! Comment, avec cette rétractation, Nasima réussit à convaincre la police d'intervenir, l'avocat d'être convaincu et le juge de  libérer le coupable innocent est encore pour moi un mystère, des centaines de milliers de prisonniers attendant encore après dix ans d'apercevoir la toque d'un juge! Mais le fait est qu'il est libre aujourd'hui, qu'il clame que ce temps de prison est la plus grande chance de sa vie car il va maintenant se dévouer pour les plus pauvres, qu'il a enfin la preuve qu'Allah n'abandonne jamais les innocents, et que le prophète Issa (Jésus) du Gourou du Dayanand Dada a plus de pouvoir qu'il n'avait cru lire dans le Coran. Tout était donc bien qui finit bien  puisque la conversion à la Miséricorde d'Allah les poussait tous deux a encore plus de compassion pour les autres! À ma grande joie également, on pourra le comprendre!