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13/08/2018

Deux anniversaires pour Gaston

Extrait de sa dernière chronique.

ENTRÈE DANS L’OCTOGENÈSE…

 

Non, ne cherchez pas dans le dictionnaire, ce mot n’existe pas. Sauf pour moi. Car si l’an dernier j’ai eu 80 ans, en ce 9 juillet je complète donc ma première année, et j’entre dans la décennie qui commence à 81, la véritable octogenèse qui, de ma conception en 1936 et ma naissance en 1937 me transporte dans ma genèse finale… - le plus tôt possible je l’espère - pour me projeter enfin après plus de ¾ de siècle d’attente en la Nouvelle Vie de l’Esprit à laquelle nous sommes tous appelés, même ceux qui sont sourds !

Mais aux yeux des indiens, il a m’a fallu passer sous les fourches caudines d’un anniversaire à grand spectacle. J’ai cru pouvoir l’éviter en laissant entendre que je n’acceptais pas une journée dont le coût serait pris sur le budget et donc qu’il n’y aurait qu’une prière collective…Mais las! Habitués qu’ils étaient à ce qu’ils appellent mes rengaines, leur réponse était prête : tout serait offert gratuitement par des organisations ou individus de l’extérieur : repas, orchestre, groupe de danseurs, décorations du grand Hall et de tout ICOD, costumes de danse pour nos filles, lignes électriques et acoustiques avec haut-parleurs disséminés, etc. Je n’avais plus rien à dire sinon à accepter que plus de 1300 personnes soient présentes, certaines venant de cinq Districts, que des dizaines de bouquets defleurs (parfois avec orchidées) me soient offerts, que d’autres dizaines de cadeaux divers me soient présentés, dont 15 «punjâbis » (chemises indiennes souvent brodées la plupart blanches, avec ‘pajamas’= nos pyjamas), des potiches en ‘terracota’ (argile cuite) artistiquement tournées et décorées (dont la plus belle, par un ami lui-même), et un bon nombre d’objets en plastique évidemment du plus mauvais goût, heureusement accompagnés de quatre ou cinq beaux tableaux dont trois peints par les artistes eux-mêmes. Le don de deux superbes orchidées en pot par Sukeshi m’a fait un énorme plaisir. Une fleur qui va perdurer est quand-même mieux que du synthétique ! Le Hall était sur-plein, l’ambiance du tonnerre, l’acoustique assourdissante, et ceux et celles qui venaient m’offrir un cadeau venant droit de leur cœur avaient quelque peine à se frayer un chemin dans la cohue, d’autant plus que les fans des musiciens et chanteurs s’agglutinaient au bas du podium ! Je tendais quasi mécaniquement les mains, embrassais ceux qui le voulaient, ne reconnaissais presque personne dans l’éclat des flashes, ne sachant jamais qui a donné quoi, bref, j’étais un peu comme étourdi par l’enthousiasme et la liesse, et conscient au plus profond de moi, que je ne méritais pas tout cela, qu’il y avait erreur, qu’on se méprenait sur le personnage, que le Seigneur avait une autre opinion de moi, bref que je jouais la comédie et que les bénédictions que je donnais ‘urbi et orbi’ à tour de bras même sur tous les bébés qu’on me présentait n’étaient finalement que du charlatanisme de géronte, même si mon âge effectivement me permettait de les donner selon la coutume bengalie.

Nous n’étions que sept chrétiens parmi cette cohue indo-islamique…dont deux prêtres catholiques et trois protestants.

Donc finalement, il fallait me conformer à l’idiosyncrasie de cette collectivité. Donc apaiser ma conscience troublée. Donc enfin revenir à ce que j’avais dit durant la réunion de prière au ‘Temple de la Miséricorde’ le matin lorsque, commentant le Bon Samaritain, il m’avait fallu reconnaître avec Jésus ce que le scribe avait déclaré : « Il ne nous est demandé que d’aimer Dieu de toute notre force, cœur, être et âme et notre prochain comme soi-même » Il m’était ainsi tout simplement proposé de m’aimer assez pour reconnaître que l’amour que j’ai donné à tour de bras dans ma vie (comme les bénédictions d’aujourd’hui ) est reconnu par les gens comme un reflet du Dieu de l’Univers qui les aimait tellement qu’Il a même envoyé Son Fils pour prouver qu’il nous aimait, et que ce même Fils, mon frère Yehoshuah-Jésus m’a envoyé vers eux à son tour...pour aimer.

Peu auraient pu l’expliquer comme cela, mais tous avaient ressenti ce jour-là, dans l’âme collective d’ICOD, comme une répétition du Thabor où Pierre, pétrifié de joie, avait stupidement lâché quelque chose comme : ’bâtissons une tente et restons-ici tellement il y fait bon’ ! Et effectivement, pas mal de personnes dormirent ici cette nuit-là.

Un grand tableau saint-sulpicien à souhait du Sacré Cœur qu’on m’avait offert, préparait chacun à cette conclusion : toute notre joie vient de Dieu. Je n’allais quand-même pas détruire cela par fausse humilité ! Une seule ombre au tableau : nos filles ne purent danser à cœur joie comme elles se l’étaient proposée, car la cohue les en a empêchées. Ce n’est que le soir que j’ai pu leur dire pour diminuer leur chagrin : « C’est encore mieux comme cela, parce que vous pourrez nous organiser seulement entre nous un beau programme pour la fête de l’Indépendance du 15 août ! » Ce qui les firent gambader d’allégresse : encore une fête, quel bonheur !

 

NOCES D’OR AVEC JÉSUS-CHRIST, FRÈRE INCARNÉ DE TOUS LES HOMMES.

 

Ce n’était pas tout de fêter mon anniversaire, car voici 50 ans, le 29 juin 1968, en la fête de St Pierre et Paul, j’ai fait mon engagement dans le Prado entre les mains de Mgr Ancel, évêque auxiliaire de Lyon premier évêque ouvrier et Supérieur du Prado. J’avais 31 ans. A vrai dire, comme expliqué en fin de chronique de juin, ce n’était pas mon premier engagement, puisque j’en avais fait de bien différents, quoique similaires dans mon cœur, à 6 ans, 12 ans, 22 ans, 31 ans, puis à 35 ans en partant pour l’Inde et enfin à 52 ans lors de ma naturalisation. Et chaque année à mon anniversaire que les centaines d’amis indiens s’escriment à célébrer malgré mon opposition, je redis

la vraie signification de ma présence, qui n’est pas le développement, mais bien l’action de grâces pour les merveilles que Dieu fait en nous tous, quelque soient nos religions ou scepticismes, et malgré nos limites, faiblesses et même trahisons. Car quel que soit le nom qu’on donne à Dieu : Brahman, Père, Jésus, Allah, Bhagowan, Buddha, Sâtguru, etc, il EST et vit en nous, nous aime et nous pardonne à tel point qu’Il nous invitera à partager Sa vie après notre mort.

J’ai été envoyé pour témoigner de tout cela et bien plus, à travers un travail de service célibataire libre, sans attachement, montrant que tout homme, femme, enfant et tout être vivant voire inanimé est non seulement à respecter mais à AIMER.

Ma vie devient ainsi mon message, selon l’exemple de Gandhi…et bien entendu, de Jésus-Christ, même si mon message est aussi limité que ma pauvre vie. Mais j’espère au moins que chacun et chacune, là où j’ai vécu, aura compris que sur terre nous sommes tous frères et sœurs car issus du même Père et que donc l’ÉGALITÉ EST NOTRE DROIT DE NAISSANCE, quelque soient notre race, couleur, caste et religion. Si les Orientaux peinent à accepter l’égalité des castes, les Occidentaux eux, refusent de plus en plus les autres races, couleurs et religions. On ne bâtira jamais un monde de paix et de bonheur comme cela. Puisque que naturalisé citoyen du monde en 1954, (j’en garde toujours le passeport de Paris, même inutile) je me sens frère universel. Je ne suis pas chargé d’apporter ce message au monde, mais je suis chargé de l’apporter aux quelques milliers de frères et soeurs indiens que le Seigneur m’a confiés.

Mes amis des autres ONG, diffusent aussi ce message à quelques centaines de milliers d’autres pauvres et même riches. Mon humble chronique mensuelle essaye de propager la même pensée à quelques centaines de lecteurs. Je crois que c’est tout ce qu’il m’est demandé de faire sur cette terre, avec la tendresse de mon service pour les plus déshérités et l’amour de mon frère aîné Jésus-Christ. C’était le seul but de ma naissance….et de mes anniversaires. C’était encore le but de mes engagements. Ce sera encore le but de ma mort. Et je poursuivrai certainement le même but après, durant la lune de miel éternelle de ma vie infinie en Dieu en qui toute l’humanité redeviendra enfin UNE dans la paix et la joie de l’éternité. Comment pouvoir être un seul jour triste en cette vie quand on a cette perspective de Béatitude sans fin?

NOUVELLE VIE POUR LES ÎLES DES SUNDARBANS

Voici un texte de Gaston où il montre que le grain semé peut produire des grains longtemps après !

J’ose rappeler aux milliers de donateurs d’ASSS (Amis de Seva Sangh Samiti), puis d’AVTM (Amis des Villages du Tiers Monde) qui ont pris la suite, que ce sont vos dons depuis 50 ans (sic !) qui ont permis aux équipes médicales de «Pilkhana-Cité-de-la-Joie» d’aider à créer SHIS en 1990, de démarrer le centre de SSS Jhorkhali au temps des cyclones (1991+1993), de créer un dispensaire à long terme, un superbe abri anticyclone et du travail de développement rural jusqu’à ce jour.

Waheb et ses équipes ont pris la relève dans toutes les îles jusqu’au début 2018, et maintenant, il coopère avec une OG (organisation gouvernementale) et un donateur international pour compléter la trilogie des actions menées depuis 38 ans et préparées par vous tous depuis environ 40 ans dans le delta !

Voyez comme les actions se sont enchaînées comme par miracle, et que sans les humbles débuts dès avant la création du petit dispensaire du Docteur SK Sen de Pilkhana en 1967, puis du centre médical en 74, rien n’aurait eu lieu, même pas SHIS commencé par SSS et le soutien ensuite de Dominique Lapierre jusqu’en décembre 2017. Qui aurait crû ?

Chrétien, bien sûr j’y vois la main aimante du Père Céleste de toute Miséricorde. Qu’il soit loué et bénit pour les semences du passé et pour la récolte d’aujourd’hui.

 

UNE NOUVELLE VIE POUR LES ÎLES DES SUNDARBANS !

« Mais mon ami musulman Waheb m’a donné aussi la merveilleuse information d’un autre vrai miracle :

Le ministère de la santé de Delhi cherchait une ONG capable d’implanter et de suivre un projet géant contre la tuberculose financé par « Global Funding » de Genève. Waheb a présenté son travail de trois décennies dans les îles du Delta gangétique, et son organisation « SHIS » a été choisie comme partenaire.

Immédiatement, une campagne de détection porte à porte par 34 jeunes insulaires a démarrée pour 45 îles habitées par 4,5 millions d’habitants en ajoutant les périphéries des grandes rivières qui les traversent. La deuxième étape étant d’augmenter les infrastructures, Waheb a déjà contacté 1900 ‘quacks’, docteurs locaux sans diplômes qui soignent la population à la place des docteurs MBBS diplômés qui pour rien au monde n’y vivraient. Nous en savons quelque chose nous et les ‘infirmières aux pieds nus’ qui y avons travaillés durant des années dès 1981 durant le premier cyclone de Jhorkhali qui avait laissé des centaines de morts. Quelques années plus tard, nos gars ont creusé des puits tubés (jusqu’à 400m. de profondeur) dans chacune des 54 îles. Enfin autour de 1990, nous avons modifiés dans les docks d’Howrah quatre grands bateaux pouvant porter cent passagers, afin qu’ils puissent abriter une salle de radiologie et une autre avec laboratoire médical, le tout au service de l’éradication de la tuberculose dans les îles. Mais l’emploi de médecins individuels (ils ne voulaient pas dormir sur place !) a ralenti l’efficacité de l’ensemble. Et maintenant, la troisième phase du nouveau projet comprendra l’emploi de 2000 docteurs qui utiliseront les examens et traitements les plus en pointe. 240 000 euros par an pendant 3 ans seront affectés à ce projet d’éradication totale. J’avais toujours estimé que seule une action d’envergure serait nécessaire pour gagner la partie dans ces lieux si inhospitaliers, la base en est enfin jetée. 

08/06/2018

   UNE HÉCATOMBE D’ONG (Organisations non gouvernementales)

Dans sa dernière chronique Gaston décrit les difficultés éprouvées par de nombreuses ONG en Inde à la suite de la décision gouvernementale obligeant les organismes s'occupant de mineurs d'avoir une licence en accord avec la nouvelle législation.

Comme le dit Gaston :" Nous sommes certes heureux – et plus qu’heureux ! – que le gouvernement se soucie maintenant de se mettre au diapason des promesses internationales signées dans les traités de Protection des divers groupes défavorisés, mais la prise en main par des professionnels souvent – bien que pas toujours – non motivés, rend bien caduques ces efforts."

Espérons que ces difficultés ne seront que passagères et que les ONG pourront reprendre avec leur licence leur action au profit des plus déshérités. 

 

Premier janvier 2018 :

La Cour Suprême indienne ordonne à tous les Etats de l’Union de vérifier que toutes les organisations de PROTECTION DE L’ENFANCE ET DES FEMMES (CWC) s’assurent que toutes les ONG qui s’occupent de mineurs aient une Licence selon les nouvelles lois, avec des employés ayant les capacités professionnelles exigées. Au cas où elles ne l’auraient pas, inspection immédiate doit être faite et toute ONG suspectée de ne pas faire son devoir doit être fermée immédiatement. De plus, toutes les ONG médicales (surtout les hôpitaux privés dont ¼ n’ont pas de licences), sociales, religieuses ou autres doivent avoir une licence valide avec du personnel en règle selon leurs qualifications. Quelles que soient les ONG, tout à partir du premier janvier doit être réglé en informatique. Du coup, c’est la panique et le rush des organisations responsables par Etat et District pour tout régulariser. Et c’est le branle-bas de combat pour tous ceux et celles qui comme nous avaient déjà fait plusieurs demandes de régularisations mais sans avoir eu de réponses, les fonctionnaires indiens n’étant pas connus pour leur excès de zèle, y compris ceux des impôts ! A fortiori les autres.

Et le 12 février, nous voilà nous-mêmes happés par la tornade administrative dont on ne sortira que le jour où nous aurons nos sept licences pour nos sept départements, car contrairement aux autres ONG, nous avons un mélange de déshérités hommes et femmes, jeunes et vieux, infirmes et malades mentaux, orphelins et semi-orphelins, ce qui faisaient lever les bras au ciel de nos responsables du CWC qui tentaient de regrouper nos différents groupes. En effet, notre concept familial semble maintenant suranné. Tous les handicaps étaient libéralement mélangés, avec même des tous jeunes bambins de quatre ans étant, oh horreur, avec les fillettes, et les vieillards vivant dans des bungalows au milieu des garçons. Même si à leur grand soulagement, ils ont constatés que les filles étaient complètement séparées – et à grande distance ! – des garçons, ils semblaient parfaitement interloqués : « On n’a jamais vu ça nulle part ! » Ce qui trahissait leur vrai souci : « Comment mettre cela en ordre sous ordinateur ? » Il est vrai qu’ ICOD a de quoi décontenancer, car c’est tout à la fois orphelinat, hospice, refuge, école, éducation culturelle, oeuvre préventive et sociale, religieuse et inter-religieuse…mais quand-même bien fermement laïque.

Nous nous sommes donc lancés avec Gusto dans la réorganisation, mais comme cela tombait plus que malencontreusement avec la diminution des fonds et de l’arnaque organisé du sept février, cela ressemblait plus à un cyclone qu’à une simple tornade, surtout lorsque Gopa allait au centre de Howrah envahi par une foule anxieuses de responsables d’ONG où se trouvaient Kamruddin, ABC, les Frères MC de Mère Teresa, ceux de Don Bosco s’occupant des gosses des rues, et plusieurs autres ONG connues. Mais les responsables gouvernementaux ont été à quelques exceptions près fort compréhensifs. Sauf un braillard : « renvoyez immédiatement tous les enfants qui ne sont pas orphelins complets !» Et un grand dirigeant d’expliquer suavement : « Nous ne sommes pas vos ennemis. Nous avons été travailleurs sociaux comme vous, mais maintenant nous voulons vous aider à obtenir la licence, pas vous faire fermer… sauf si vous n’essayez pas de nous comprendre ! »

 

Je donne sous-dessous quelques exemples des difficultés rencontrées par d’autres ONG.

 

Mon ami de toujours Kamruddin fondateur d’UBA, dont l’organisation a été abusivement et injustement fermée, garde encore la responsabilité de 22 des 45 femmes déshéritées ou ex-prostituées amenées par la police de la gare d’Howrah depuis 12-15 ans. Il essaye en vain de les donner à ICOD. Nous avons bien sûr accepté dès septembre 2017 et en même temps, nous lui donnons l’argent pour les nourrir. En avril, le CWC lui a dit : « Pourquoi voulez-vous les donner à ICOD ? C’est nous qui vous indiquerons l’ONG où les envoyer ! En attendant réglez la situation administrative des trois enfants dont la maman est chez-vous. Ils ne resteront pas tous avec elle» Et depuis ce mois, une gamine de 12 ans sourd-muet a été envoyée à ABC. C’est le drame des restructurations, l’aspect humain restant souvent secondaire.

Pour nous se pose le même problème pour nos gosses benjamins dont les mamans sont malades mentales. Si elles reconnaissent leurs enfants, ils doivent aller dans une autre ONG spécialisée. A ICOD, comme les femmes mentales et les enfants vivent séparément même si elles se voient souvent, on peut obtenir la permission de les garder. Mais pas ailleurs. Et même si d’aventure la maman est trop atteinte pour reconnaître son gosse, celui-ci est appelé ‘orphelin’ et doit aller dans un orphelinat en attente d’adoption. Cela fait frémir !

 

Cela a été le drame des orphelins de mère Teresa : ses dizaines de milliers (sic) orphelins dans ses centaines d’orphelinats ont dû être transférés au gouvernement. Et les Soeurs ne peuvent plus faire d’adoptions, n’acceptant pas les règles gouvernementales. Moi non plus d’ailleurs, car transformer un bébé en numéro adjugé au jugé au premier parent adoptif venu, soit-il célibataire, jeune, homosexuel, lesbienne, famille nombreuse ou couple séparé, tout est bon et chacun aura le numéro (et oui) qu’il demande sans savoir si c’est un gars ou une fille, un handicapé ou un aveugle. Cela favorise les trafics de tous genres. C’est horrible, et ICOD ne prendra donc plus d’orphelins. Nous essayerons néanmoins de garder notre petit BROTO en demandant au père qui nous l’a donné de signer un papier comme quoi il veut qu’il reste à ICOD et que si par chance il se remarie, il le reprendra. Une demi-vérité peut-être, mais qui peut arriver (d’après lui), et qui permettrait à ce gosse sans espoir aveugle, sourd, muet et paralysé de continuer de vivre dans la joie avec nous jusqu’à sa mort si nécessaire, donc encore environ dix ans à mon sens puisqu’il a une encéphalomalacie bilatérale extensive qui ne pardonne pas ! Et que deviendrai-je moi-même si je ne puis plus lui donner mes vingt minutes quotidiens de bavardage et d’aubade dont il semble écouter quasi-religieusement les vibrations, ce qui le pousse souvent à rire aux éclats ?

Quant aux Frères de Mère Teresa MC (Missionnaires de la Charité, dont le responsable Frère Paul vient me voir), qui ont, eux, des milliers d’handicapés, de nombreux centres ont dû fermer car ils ne peuvent pas payer les professionnels qui sont nécessaires, ou que les professionnels refusent de travailler plus de tant d’heures alors que le soin de ces fous ou invalides qui pourraient tous être admis au Cottolengo de Turin exigent des soins de 24 /24 heures !

 

Asha Bhaban centre (ABC) de Papou et Sukeshi s’en voit aussi de belles. Certes, ils ont réussit en se battant depuis trois ans d’obtenir une licence pour leur centre principal Kathila. Mais ils ont dû auparavant renvoyer tous les garçons handicapés pour ne garder que les filles, et accepter de prendre les enfants envoyés par le gouvernement, des bébés orphelins trisomiques mongoliens, qui vivaient dans la souillure d’un centre officiel que personne ne voulait adopter. Et ABC en est fort heureux. Ils ont je crois actuellement 100 gosses pris en charge par le gouvernement. Il a maintenant les professionnels adéquats. Il forme même dans le cadre universitaire près de 100 professionnels pour les malades mentaux. Mais Papu continue à lutter pour les licences de ses centres ruraux d’autres Districts, et ses milliers d’infirmes sans aide probable immédiate du gouvernement, ainsi que ses six écoles. Sans fonds suffisant après la fermeture de la Fondation Lapierre, il n’est pas au bout de ses peines, encore qu’il soit satisfait d’avoir pu remplir toutes les conditions exigées pour qu’ABC continue son magnifique travail d’amour. Mon ami suisse Alibaba vient d’accepter de prendre en charge les six écoles. Un ami tessinois de toujours, Giovanni, offre une contribution annuelle des plus importantes, en fait, le pilier indispensable qui permet à Sukeshi de dire : « maintenant, nous pouvons envisager sereinement l’avenir. »

 

Mon frère Waheb de SHIS vient de me décrire un bien impressionnant et triste tableau : « Pratiquement toutes nos actions philanthropiques sont fermées actuellement, et nous avons totalement arrêté d’aider les plus pauvres par manque de fonds. Tous nos centres médicaux ne marchent qu’avec la contribution des malades. Comme il est impossible de payer le personnel avec, docteurs et paramédicaux nous quittent…

Depuis 35 ans, nos préventions et traitements de la tuberculose ont été acclamés dans toute l’Inde. Aujourd’hui, le gouvernement exige qu’à tous les niveaux, nos travailleurs sociaux expérimentés laissent la place aux professionnels enregistrés par lui. Comme cela nous est impossible, l’aide officielle a été retirée, et après avoir éradiqué la TB dans des milliers de villages, nous devons tout suspendre, faute de fonds. De même le travail irremplaçable de nos grands bateaux-dispensaires du delta des Sundarbans devra cesser en juin, puisque l’aide est coupée. De même les centres de soins pour les yeux fermeront en septembre. Seuls resteront les trois centres d’accouchement dont le financement continuera.

Notre moderne mais déjà ancien hôpital ophtalmologique qui était en pointe il y a 25 ans et a formé des centaines de médecins aux opérations ultramodernes, a dû fermer ses portes car on nous demandait d’avoir de nouvelles licences pour la sécurité, pour la rénovation du matériel et pour la restructuration des cliniques. Un bon nombre de personnel reste sur place mais n’est plus payé. Que deviendront-ils ?

Nos centres ruraux et de jungles des districts du Bengale du Nord financé par « World Vision » sont presque tous fermés pour cause de non renouvellement de licences.

Ne demeurent pour nous que trois centres d’accouchements dans les îles des Sundarbans, lié à un nouveau programme antituberculeux, les projets d’éradication de l’arsenic dans les puits d’eau potables, un centre mobile de santé jusqu’en juin, quelques centres antituberculeux dans quelques districts du Nord, mais qui ne dureront pas longtemps sans support permanent. Enfin, le gouvernement nous promet de nous aider encore six mois pour faire tourner les cliniques de santé générale dans les îles »

Et mon ami de quarante ans Abdul Waheb de conclure tristement : « La plupart de nos salariés ont acceptés de travailler à 25 % ces derniers mois. Mais pour encore combien de temps ? Nous ne pouvons plus compter que sur Allah. Nous aidons encore 2,5 millions de personnes par an, mais en 2020, nous devrons tout arrêter ! Après 38 ans de lutte mais dans la joie, c’est dur ! »

 

Mon frère prêtre des « Pèlerins de la Charité » rapporte le même tableau. Il partage depuis 14 ans la vie des gosses des rues dans la deuxième grande gare de Kolkata, Sealdah. Il vient régulièrement faire ses jours de récollection à ICOD. Il ne peut plus ramasser les gosses « perdus » sans se faire soupçonner de les trafiquer. S’il prend une ambulance pour apporter un grand grabataire trouvé sur un quai, on pense qu’il le kidnappe ! Il n’a aucun permis à montrer. Ses travailleurs sociaux n’ont pas les diplômes nécessaires et ne peuvent plus fonctionner. Il a déjà fait plusieurs mois de prison pour avoir emmené des enfants en piquenique…Il ne tient pas à renouveler l’expérience. Son équipe se composait de treize gars sortis des égouts. Il ne peut plus n’en garder que trois. Il se demande bien comment continuer son action caritative, et surtout humaine. Et il vient me voir comme tant d’autres pour recevoir des conseils, alors que je suis aussi impuissant qu’eux tous !

 

L’ONG fondée depuis 40 ans par le P. Laborde, Howrah South Point ploie sous les difficultés, car elle travaille sur plusieurs Districts et ne peut répondre immédiatement aux oukases du gouvernement qui veut remettre en cause certains projets ou écoles. Des membres m’ont informé récemment qu’ils craignaient aussi le pire. Malgré son grand âge (il va sur ses 92 ans !), le P. Laborde continue à essayer de sauver ce qui peut être sauvé et va régulièrement les aider pour résoudre des problèmes difficiles. Il a un courage extraordinaire et ne se laisse jamais abattre. Mais ses anciens travailleurs sociaux, dont quelques âmes extraordinaires comme Agnès, ancienne responsable, sainte toujours souriante malgré son handicap profond de naissance, ne possèdent aucun certificat professionnel légal. Et HSP soutient des centaines de pensionnaires !

 

Un grand et cher ami français, André Mâge, travaillant pour le SIDA en Andhra Pradesh (Sud de l’Inde) m’écrit qu’il a dû fermer plusieurs cliniques de prévention et traitement de centaines de cas de Sida, surtout de mamans et bébés VHI que les hôpitaux d’états négligeaient jusqu’alors. Il ne garde plus qu’un hôpital, alors que c’est lui qui avait commencé en cet Etat le traitement scientifique de cette maladie encore bien honteuse en Inde et que peu de docteurs traitent convenablement. Il ne peu plus continuer, car son personnel n’est pas assez qualifié, malgré leur grande expérience. Il faut aussi adapter tous les départements aux normes nouvelles et rien n’y fait, ce sont des diplômés de l’Etat qui doivent occuper les postes. Encore un an et son équipe arrête tout. Il est lui-même retourné en France le coeur brisé, encore qu’il continue à supporter le fondateur qui tient à lancer un projet pour les déshérités. Un peu dans la ligne d’ICOD. Et en rencontrant les mêmes problèmes.

 

Et ce 29 mai, je rajoute les plaintes de mes jeunes frère et sœur Evadât et Mina de Paras Padma qui, malgré avoir reçu leurs deux licences, se voient soudain acculés à choisir, car le gouvernement n’accepte pas que les gars et les filles handicapées vivent dans le même centre, même s’ils habitent séparément ! Pourquoi ne le leur avait-on pas dit avant ? Simplement je pense, parce que souvent les fameuses lois sont interprétées différemment selon les personnes responsables ! On l’a vu à ICOD quand on nous dit un « non ! » ferme, qu’un simple recours nous donne ensuite la permission ! Je vais leur écrire ce soir pour les tranquilliser…

 

Je pourrais donner une liste d’ONG travaillant pour les sourds-muets, les malades mentaux, les IMC, les brisés ou blessés de la vie, qui ne peuvent plus continuer devant les exigences nouvelles. Le gouvernement n’a pratiquement rien fait pour ces gens dans le passé, des milliers de travailleurs sociaux ont donné leur vie pour ces rejetés de la société, et non seulement on ne les reconnaît pas, mais en plus on les rejette pour privilégier les …privilégiés. Certaines ONG de pointe surnagent encore, comme ABC, « HOPE » et quelques autres, mais pour combien de temps encore ? En fait, seuls les défavorisés continueront à survivre comme ils l’ont fait depuis des millénaires, notre aide, voire notre amour ayant été appréciés pour le temps que le Seigneur a bien voulu nous donner pour eux ! Et ils s’en passeront quand nous arrêterons, même si leurs souffrances doivent augmenter !

 

Nous sommes certes heureux – et plus qu’heureux ! – que le gouvernement se soucie maintenant de se mettre au diapason des promesses internationales signées dans les traités de Protection des divers groupes défavorisés, mais la prise en main par des professionnels souvent – bien que pas toujours – non motivés, rend bien caduques ces efforts. Mais je sais qu’il faut des victimes pour que leur sang arrose les sillons semés vaillamment depuis presqu’un siècle en Inde (en fait 1835 au Bengale), et que ceux et celles qui se sont occupés de toutes leurs forces, de tout leur coeur et même de toute leur âme, des plus petits, des derniers et des abandonnés, sachent combien leur vie a été belle malgré les blessures reçues et les déceptions subies. Il leur reste à endurer peut-être le plus dur, la dérision et l’oubli, et surtout la disparition progressive de ce qu’ils avaient créés. (Sukeshi en est un témoin profondément meurtri) Et se retourne définitivement ce qui nous motivait le plus : « D’avoir été toute notre vie serviteurs des plus pauvres, nous sommes en voie de devenir serviteurs des professionnels » Mais jamais moi, je ne pourrai l’accepter. JAMAIS, sauf si je considère que « Jésus (P.C.) » a reçu son diplôme de Professionnel de la Compassion. Car alors…

Mon âge avancé (pour l’Inde !) m’épargnera ces déboires, et ma confiance irrépressible en Dieu m’oblige à penser de tout mon être, que ce qui a été fait ne s’effondrera jamais, car si le plus petit geste d’amour demeurera pour l’éternité, si un seul atome de compassion, comme dit le saint Coran, ne s’effacera jamais, alors, il importe peu que rien ne demeure comme aujourd’hui, puisque tout restera à tout jamais témoignage que quand l’homme se met à aimer l’homme, il ne peut qu’avoir contribué à créer une Humanité plus humaine que jamais, alliée à une éternité divine qui se doit de transformer en lumière toutes les ombres de la vie. O.M.G ! (l’expression anglaise passe-partout pour : « Ô mon Dieu !) Comme la vie est belle, tout de même !»

Mère Teresa avait une manière magnifique de trouver une solution à une impasse de ce genre : «Essayons de plus en plus d’améliorer nos fonds d’amour, de compassion, de compréhension, de gentillesse et de paix, et l’argent suivra. Mais seulement si l’on « cherche tout d’abord le Royaume de Dieu et sa justice, car alors, tout le reste nous sera donné de surcroît » Et quand on sait que le Royaume dont parle ‘l’Evangile de la Grâce’ de Jésus, tout comme les Evangiles de Ramakrishna ou de Bouddha sont basés sur la compassion et le service des plus pauvres, alors, on ne se fait plus de soucis du tout : « Deus providebit » est-il écrit superbement sur les pièces de monnaie… suisses : « Dieu y pourvoira ! » Et pourquoi pas les suisses ?